La fameuse marque française Simca a débuté une longue série de best sellers avec une voiture qui a marqué l’Histoire. La Simca Cinq était en avance sur son temps puisque c’est sa sobriété qui a fait son succès.
À la fin des années 30, les constructeurs automobiles ne disposent que de la presse pour faire valoir les qualités de leurs modèles. Pour se démarquer du lot, on redouble d’imagination, notamment en réalisant tout à tas d’exploits d’endurance ou de vitesse invoquant ainsi les qualités de fiabilité et de construction de la voiture. Simca n’est pas en reste question idées. Avec cette Simca Cinq et compte tenu de son programme d’utilisation, la marque va choisir l’argument de la moindre consommation. Ce sujet n’est pas une nouveauté du XIXe siècle !
En 1934, Mussolini intime l’ordre à Fiat de créer une voiture économique qui permettrait de motoriser le plus grand nombre de ménages italiens. C’est le grand truc des dictateurs ça, de motoriser leur population. Hitler fit la même avec la Coccinelle. La Simca Cinq est en réalité une Fiat 500 que nous devons au designer Diante Giacosa. Compte tenu de ses mensurations, elle est très vite surnommée la « Topolino » : la petite souris. Cette Fiat 500 Topolino prend le nom de Simca Cinq lorsqu’elle est présentée sur le marché français. La licence Fiat est accordée à la Société Industrielle de Mécanique et Carrosserie Automobile (SIMCA) permettant aux Italiens d’éviter les taxes et frais de douane qui auraient considérablement pesés sur le prix de vente de notre côté des Alpes.
La petite Simca est un adorable pétochon qui permettra aux jeunes et aux moins fortunés de profiter eux aussi des joies de la route. Elle est présentée officiellement au Salon de l'Auto de Paris en octobre 1936. Elle est fabriquée à Nanterre dans les anciennes usines de la Société des Automobiles Donnet.
La Simca Cinq est ce qu’on appelait à l’époque une conduite intérieure deux portes, montée sur un châssis. Contrairement à ce qui se fit chez Citroën, la caisse n’était pas autoporteuse, la faute aux coûts de production. Longue de seulement 3,21 m, large de moins d’1,30 et haute d’1,34 m, la « souris de Nanterre » dispose d’un moteur 4 cylindres de 570 cm3 soit 13 CH à 4000 tr/min. Si le moteur est monté tout à l'avant du châssis son action est transmise par une boîte à 4 vitesses aux roues arrière via un arbre et un pont. Les freins sont hydrauliques ce qui n’est pas donné aux Peugeot ni aux Renault contemporaines. Quant à la vitesse de pointe on fleurte avec 85 km/h… Bref, une dinguerie !
Ce petit véhicule est capable de rouler avec moins de 4 litres d’essence pour effectuer 100 km. Cet argument de la sobriété sera largement repris par la plus part des constructeurs mais seulement dans les années 70, suite aux crises pétrolières… La Simca Cinq va être confrontée à quatre grandes épreuves promotionnelles. La première, une compétition qui existe depuis le début des années 20 du côté de La Ferté-Bernard dans la Sarthe, un « bidon de 5 litres ». La Simca Cinq bat le record général de cette épreuve en couvrant 160,460 km avec seulement 5 litres d’essence dans le réservoir soit 3,1 litres aux 100 km ! La deuxième épreuve consiste en une confrontation directe avec le chronomètre. Elle se tient sur le fameux circuit de Montlhéry. 152 km sont couverts en une heure ! Pour le 3e défi, rien de tel comme argument commercial que de montrer l’endurance de la voiture. Aussi, Simca lance une Simca Cinq sur un Paris-Madrid et retour soit 2500 km. La voiture ne consommera pas 4 litres aux 100 sur l’ensemble du parcours, une gageure ! Pour finir, la petite voiture sera engagée sur un marathon de 50 000 km dans Paris ! Là encore, en ville, la consommation de la voiture n’a pas de concurrence sur le marché. Chez Simca on s’offre ainsi un slogan redoutablement efficace et poétique : « la Simca Cinq à un appétit d’oiseau ! »
Les lecteurs de cette rubrique savent que chez Gueuleton nous ne reculons devant rien. Nous avons donc célébré ces performances directement sur l’un des lieux de ses exploits : l’Anneau de Montlhéry. 5 litres d’essence pour tourner le plus longtemps possible. Prêtée par Bernard et Lucille Colin la petite voiture est juste révisée. De l’air dans les pneus, une vidange, la clé de contact sur « on », la tirette de démarreur actionnée et hop le petit berlingot se met à chanter toute sa joie de se retrouver sur un terrain de jeu mythique. J’ai mis une cravate par déférence, un casque par obligation, je suis paré à arpenter le béton de l’ovale de 2,5 km. La Simca Cinq que j’utilise répond au joli prénom de Kini en hommage à l’exploratrice Ella Mailllart contemporaine de cette voiture. Première en haut, deuxième en bas sur le genou, 3e en haut à droite et 4e en bas sur le genou... de la passagère, quand il y en a une ! Sur la planche de bord, on retrouve un tachymètre gradué jusqu’à 100km/h, un bouton qui permet de faire fonctionner les flèches directionnelles autrement dit les clignotants et une plaque de Saint-Christophe (mieux vaut prévenir !). Quelle régalade ! Bon soyons clairs, on n’est effectivement dans le temple de la vitesse mais de mon point de vue à bord de Kini je vois surtout un énorme mur sur ma droite qui fait l’effet d’une vague qui voudrait se refermer sur notre équipage. Point de tube, pour nous, mais je surfe à un bon 80 km/h, la direction est plutôt souple, voire hyperlaxe, mais on s’y fait et surtout on laisse faire la voiture. Elle ne donne aucun signe de faiblesse moteur et la magie s’installe rapidement. On se prend à imaginer les cong’payes qui partaient en famille sur la N7 avec leur petite découvrable… Car oui Kini est une découvrable. La nappe vichy, une terrine maison et une quille de Beaujolais en fraicheur voilà à quoi on aspire à bord d’une Simca Cinq… Mais revenons à mon béton, 3 heures à tenir en cadence infernale. Au bout des dernières gouttes d’essence, nous aurons roulé 160 km et malgré deux arrêts pour des petits soucis de surchauffe bénins la petite Kini a rempli sa mission haut la main. Et pour ma part, ça m’a donné très envie de lui faire faire le Paris-Madrid… un jour peut-être ?
Un grand merci aux partenaires de cette aventure : Paris Sud Batteries, Alepoc, Zamp Helmets, Classic Expert, Domaine Laprée, Foies gras Lagrèze, Pineau Roussille, les Thés Borotché, AXA GMM, Jean Gaborit, Cesalya, UTAC - Autodrome de Montlhéry, le Club Simca France et Motul France.
Photos. G.Gaud